La question de l’eau en agriculture, une ressource qui se raréfie

Ces dernières années, les périodes de sécheresse et de canicule se sont faites plus longues et nombreuses. Cela s’est encore vérifié cet été. La trajectoire de changement climatique prévue indique que cette situation risque de devenir de plus en plus commune et de poser notamment des problèmes liés à l’eau. Dans cet article, nous aborderons les rôles de l’eau en agriculture, les problèmes liés à cette ressource, ainsi que des solutions que nous pouvons mettre en place.

Les rôles de l’eau en agriculture

L’eau est essentielle pour les plantes et représente 80 à 95% de leur poids (CNRS). Quand on pense à l’eau en agriculture, on pense évidemment à l’irrigation des cultures. En effet, l’eau est un des éléments essentiels à la plante, qui intervient dans le processus de photosynthèse. Pour faire simple : pas d’eau, pas de croissance végétale, et donc pas de production !

Mais l’eau permet également le transport de nombreux éléments chimiques dont la plante a besoin. En effet, ces nutriments et oligo-éléments sont présents dans la « solution du sol » (ensemble de l’eau présente dans le sol et des éléments qu’elle transporte). La plante, en pompant l’eau du sol par ses racines, prélève également ces ions nécessaires à son fonctionnement. L’eau chargée de nutriments est transportée dans la plante du bas vers le haut via la sève, afin d’arriver dans les organes aériens, comme les feuilles, afin de réaliser la photosynthèse. Si la plante est en état de stress hydrique, il n’y a donc pas de prélèvement d’éléments chimiques du sol. L’entrée d’eau dans la plante est ensuite régulée par l’évapotranspiration : en effet, la plante « transpire » de l’eau par de petits orifices à la surface des feuilles, appelés stomates. Cette eau perdue induit un phénomène d’aspiration de la colonne d’eau, et déclenche une absorption de l’eau au niveau racinaire.

Circulation de sève dans la plante (source : Coursvt.com)
Circulation de sève dans la plante (source : Coursvt.com)

Dans le cas de l’élevage, l’eau sert évidemment à hydrater le bétail. Au même titre que pour les végétaux, l’eau est essentielle aux animaux, afin de les maintenir en bonne santé et d’assurer leur croissance.

L’eau permet également l’hydratation de la faune présente dans l’agroécosystème et notamment des auxiliaires[1] de culture. On parle souvent de la création d’habitats et la mise à disposition de nourriture pour ces espèces, mais l’eau n’est pas à négliger, surtout en période de sécheresse ! Certains insectes pondent d’ailleurs à la surface de l’eau, et certaines larves ont besoin d’eau stagnante pour leur développement, comme certaines larves de syrphe[2] (SAPOLL). Les oiseaux ont également besoin, en plus de boire, de prendre des bains afin de se rafraîchir et de nettoyer leurs plumes.

Abeille s’abreuvant dans la mare de notre ferme NeoFarm à Saint-Nom-La-Bretèche
Abeille s’abreuvant dans la mare de notre ferme NeoFarm à Saint-Nom-La-Bretèche

L’eau peut aussi jouer un rôle dans la reproduction des plantes. Elle peut effectivement être vectrice de pollen ou de graines, via des éclaboussures par exemple, dans le cas de certaines espèces. Cela ne concerne pas vraiment les plantes cultivées, mais plutôt la flore annexe du site, comme les zones fleuries dédiées à la biodiversité, qui peuvent ainsi s’entretenir au fil des ans.

Les problématiques hydriques rencontrées

Le projet Climaleg de l’INRAE a conclu que les années à venir seraient globalement plus sèches. Le manque d’eau dans le sol induit la fermeture des stomates des plantes, afin de conserver leur eau. Cela empêche donc l’entrée dans la plante du CO2, et la sortie de l’O2, gaz consommés et produits lors de la photosynthèse. Cette dernière ne peut donc pas avoir lieu et la plante s’arrête   alors de croître et de produire. Une sécheresse du sol met donc en péril la production agricole et la sécurité alimentaire des populations, d’autant plus quand elle est prolongée. Malheureusement, le changement climatique tend vers des scénarios qui rendront l’eau plus rare, et donc la production plus complexe.

Quand l’eau issue des précipitations et l’eau présente dans le sol ne sont pas suffisantes, il est nécessaire d’irriguer. En 2016, 5% de la SAU (surface agricole utilisée) française était irriguée (Office International de l’eau, 2019). Cela semble peu, mais l’agriculture utilise bien environ 70 % de la consommation mondiale d’eau (Agence Internationale de l’Energie Atomique)… et cela ne va pas aller en s’améliorant. La FAO prévoit que d’ici 2050 les besoins en eau pour l’agriculture augmenteront de 50 % afin de satisfaire la demande alimentaire accrue d’une population croissante. Si l’eau se raréfie et devient un problème, c’est en partie parce qu’elle n’est pas gérée de manière optimale à l’heure actuelle.

En cas de forte canicule, il est possible que l’Etat mette en place des restrictions d’eau pour le domaine agricole. Différents niveaux d’alerte existent, allant de la simple vigilance concernant l’utilisation de l’eau, à la suspension totale des prélèvements d’eau, même pour l’agriculture.

Le dérèglement climatique accentuant les évènements extrêmes, il existe aussi un risque croissant d’inondations, pouvant mener à l’asphyxie racinaire et donc à la perte des cultures. En effet, le sol est alors saturé en eau et cette dernière n’a pas le temps de s’infiltrer. Le sol est donc asphyxié, l’eau prenant tout l’espace libre, l’oxygène se fait alors rare, et les racines des plantes pourrissent.

Comment optimiser l’utilisation de cette ressource

Afin de préserver au mieux cette ressource qu’est l’eau, des stratégies ont été trouvées pour en utiliser le moins possible. Par exemple, en production végétale, la sélection variétale s’est tournée vers des variétés plus résistantes et tolérantes au stress hydrique, permettant aux agriculteurs de diminuer la quantité d’eau apportée, et surtout d’assurer une production malgré des aléas climatiques comme la sécheresse. Les variétés choisies sont également plus adaptées au contexte pédoclimatique local, ce qui permet d’accroître leur résistance.

Une gestion intégrée des agroécosystèmes permet également d’augmenter l’efficience de l’utilisation de l’eau. L’agroécologie est la clé pour cela. Elle permet de créer des systèmes économes en intrants, dont l’eau, et résilients face aux aléas. À cette gestion agroécologique peut s’associer un design spécifique de l’agroécosystème. Par exemple, le keyline design est une méthode d’aménagement du paysage agricole dont l’objectif est le développement d’un sol vivant, profond et présentant une grande fertilité biologique. Pour cela, l’aménagement se fait entre autres selon les courbes de niveau de la parcelle et à l’aide de sillons permettant d’évacuer les trop pleins d’eau.

Parcelle aménagée avec un keyline design (source: Paysages fertiles)
Parcelle aménagée avec un keyline design (source: Paysages fertiles)

L’irrigation quotidienne des cultures peut également se faire de manière plus économe, avec par exemple l’utilisation de tuyaux de goutte-à-goutte, permettant de délivrer à la plante la juste quantité d’eau nécessaire, au niveau de son pied. Ainsi, l’eau n’est pas perdue par évaporation par exemple, comme elle peut l’être avec un système d’aspersion en plein champ. Certaines cultures ne se prêtent malheureusement pas à l’utilisation de ce genre de systèmes, comme les grandes cultures. La programmation de l’irrigation à certaines heures de la journée permet aussi de limiter l’évaporation, tout en allégeant le maraîcher dans ses tâches quotidiennes.

Certaines infrastructures ont également été pensées pour gérer des situations de crise, comme les périodes de restrictions d’eau. On trouve par exemple des moulins à eau sur des cours d’eau, ou bien des pompes dans des bassins de récupération des eaux de pluie, ou encore des citernes, permettant d’utiliser l’eau disponible pour irriguer les cultures, plutôt que d’utiliser l’eau du réseau de ville.

Concernant la production animale, les bassins d’élevage se sont naturellement concentrés autour des milieux aquatiques. Cela permet, en cas de sécheresse, d’avoir accès à la ressource facilement. Des points d’eau artificiels ont également souvent été créés à proximité des élevages.

Exemple de la gestion de l’eau chez NeoFarm

Chez NeoFarm, notre méthode d’irrigation principale est le goutte-à-goutte. Cela nous permet d’utiliser la quantité nécessaire et de la distribuer au plus près de la plante. Notre programmateur d’irrigation nous permet également de lancer nos irrigations à des heures où l’ensoleillement est moins important, afin de limiter l’évaporation. Les espèces de plantes présentes sur les planches de culture sont également prises en compte pour une programmation de l’apport en eau au plus près de leur besoin.

Système de goutte à goutte irriguant un plant de poivron
Système de goutte à goutte irriguant un plant de poivron

 

Notre ferme compte également un bassin de rétention. Ce bassin est alimenté par l’eau de pluie récupérée sur le toit de notre serre. L’eau y est ainsi stockée, et servira en temps voulu pour irriguer les cultures. Les prélèvements d’eau y sont bien contrôlés car ce bassin est également un abreuvoir pour la biodiversité alentour. Il est donc essentiel que son niveau reste toujours suffisant pour assurer cette fonction.

Bassin de rétention sur le site de notre serre pilote
Bassin de rétention sur le site de notre serre pilote

 

Afin de conserver au mieux l’humidité du sol, nous utilisons un maximum de paillage sur nos planches cultivées. Nos zones non productives sont également toujours végétalisées, afin notamment de limiter l’érosion due à la circulation de l’eau, et le lessivage qui l’accompagne.

En bref, la gestion de l’eau doit être pensée de manière globale. Les pratiques agroécologiques permettent d’optimiser l’utilisation de cette ressource qui se raréfie, comme nous l’avons présenté dans un précédent article. La préservation de l’eau reste cependant l’affaire de tous !

Références

  • Agence Internationale de l’Energie Atomique, ?. Gestion de l’eau en agriculture.
  • CNRS, ?. L’eau dans les plantes.
  • Joseph C., Delattre D., Sarthou J-P., 2022. Auxiliaires des cultures : Définition. Dictionnaire d’agroécologie. https://doi.org/10.17180/9z65-4m22
  • Office International de l’Eau, 2019. Part de la surface agricole utilisée irriguée en 2016
  • SAPOLL, ?. Abreuvoir à insectes et mares.

Pour aller plus loin

[1] Un auxiliaire de culture, au sens large, est un organisme vivant qui fournit des services écosystémiques permettant de faciliter la production agricole. Il remplace tout ou partie du travail et des intrants apportés par l’agriculteur (Dictionnaire d’Agroécologie, 2018).

[2] Un syrphe est insecte diptère, mouche à abdomen jaune et noir, aux antennes courtes et au vol rapide.

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