Dans un de nos premiers articles concernant l’agroécologie, nous évoquions l’importance de la diversité des cultures. Un des moyens de se diversifier lorsque l’on est maraîcher peut être d’implanter des arbres fruitiers. On parle alors de verger-maraîcher, qui est un type d’agroforesterie. Nous abordons ce concept plus en profondeur dans ce nouvel article.
Qu’est-ce que l’agroforesterie et le verger-maraîcher ?
L’agroforesterie rassemble l’ensemble des pratiques agricoles qui associent, sur une même parcelle, des arbres à une production agricole (animale ou végétale) (Association française d’Agroforesterie). Cette association peut prendre la forme de haies intraparcellaires, de bosquets, d’alignements d’arbres…
On trouve donc parmi les nombreux modèles d’agroforesterie possibles le verger-maraîcher. Il s’agit, comme son nom l’indique, de cultures maraîchères au sein desquelles s’insèrent des arbres fruitiers. Classiquement, ces systèmes prennent la forme de groupes planches de cultures maraîchères, entre lesquels se trouvent des rangées d’arbres. Ce système est envisagé par les agriculteurs afin d’optimiser l’espace de production et sa source de revenu en diversifiant ses cultures. Les systèmes de verger-maraîcher ont de nombreux avantages, autant écologiques qu’agronomiques ou encore économiques, mais demandent une maîtrise importante de la part de l’agriculteur.
Un système vertueux…
Un des principaux avantages d’un verger maraîcher est l’obtention d’une production diversifiée et mieux répartie tout au long de l’année. En effet, ajouter des fruits à l’offre de produits commercialisés peut être un réel atout, et un attrait pour certains clients. De plus, cette plus grande diversité de produits permet souvent de couvrir une période plus longue de commercialisation, et de maintenir une gamme large de produits à tout moment. La diversification permet également une meilleure stabilité économique, et notamment en cas d’aléas climatiques, qui sont de plus en plus fréquents de nos jours, et de variation des prix du marché.
L’association des fruitiers et des cultures maraîchères a également un réel intérêt agronomique :
-L’utilisation de l’énergie solaire est optimisée.
-La diversité spécifique du système, et donc la biodiversité fonctionnelle, est améliorée. Cette biodiversité permet la réalisation de services écosystémiques. L’augmentation de la biodiversité peut par exemple induire une augmentation de la pollinisation des cultures, et donc une augmentation quantitative de la production, mais également qualitative (produits bien formés, plus riches en sucres etc.). Les vergers maraîchers, de par leur classique disposition en rangées d’arbres intercalées entre les cultures maraîchères, constituent des corridors de biodiversité. Ils permettent en effet la circulation des insectes, oiseaux et mammifères, ainsi que la création d’habitats supplémentaires, et la fourniture de garde-manger pour de nombreuses espèces
-Avoir de nombreuses espèces végétales permet aussi de limiter la dispersion des ravageurs et maladies des cultures. L’augmentation de la biodiversité induit également une augmentation en nombre et en diversité des populations d’auxiliaires des cultures. Ces auxiliaires entrent en compétition avec les ravageurs des cultures, et permettent donc une lutte biologique sans insecticides et produits phytosanitaires en général.
-Les arbres contribuent également à l’amélioration de la fertilité du sol. En effet, avec leurs racines longues et puissantes, ils permettent une bonne structuration du sol, et donc une meilleure infiltration de l’eau et aération du sol. Cela permet de limiter l’érosion du sol, et d’augmenter la capacité de rétention de l’eau du sol. La bonne aération du sol, elle, permet un bon fonctionnement des populations de microorganismes, et donc une bonne dégradation de la matière organique. L’arbre peut d’ailleurs fournir une quantité importante de matière organique, via la chute de ses feuilles et les multiples petites racines fines qu’il possède, qui nourrira les cultures maraîchères. Il peut aussi agir comme une véritable pompe à nutriments et apportant à la surface les minéraux trouvés en profondeur.
-Les arbres permettent la création d’un réel microclimat au sein du système : effet brise-vent, effet d’ombrage, augmentation de l’humidité de l’air… Tout cela permet de tamponner les aléas climatiques, et donc d’assurer une meilleure production. Cela profite également aux maraîchers. En effet, les arbres fournissent de l’ombrage en été et aux heures les plus chaudes de la journée, ce qui protège le maraîcher durant ses actions quotidiennes. Le microclimat créé permet également au maraîcher de profiter d’un air humide et frais. À cela s’ajoute également l’aspect esthétique agréable de ce système, qui s’étend même au-delà du maraîcher, et touche tout le paysage du territoire.
L’ajout d’arbres sur une parcelle agricole permet également de stocker du carbone, qui plus est à long terme. Ce stockage s’effectue d’une part dans la partie aérienne de l’arbre, mais surtout dans la matière organique incorporée au sol par les racines, via la mortalité annuelle des racines fines. La moitié de la masse d’un arbre après séchage est constituée de carbone extrait de l’atmosphère. Ainsi la fixation durable de carbone atmosphérique dans les écosystèmes terrestres est un des moyens de lutter contre le réchauffement climatique. L’arbre possède également une fonction de purification envers des polluants comme les particules de métaux lourds, plomb, cadmium, manganèse. Mélangés au gaz carbonique, ces polluants entrent dans l’épaisseur des tissus de la feuille, y rencontrent l’eau interne et s’y dissolvent pour y être stockés. Les arbres des vergers maraîchers sont donc de réels atouts dans la transition écologique.
… mais toutefois complexe
Ajouter une nouvelle production à son système n’est jamais anodin pour les agriculteurs. Il faut donc considérer les potentiels freins avant l’installation d’un tel système.
Le premier inconvénient d’un verger maraîcher est la charge de travail, qui est relativement conséquente dans ce type de système. Même si l’ajout du travail concernant les fruitiers peut permettre de lisser les pics et creux de travail tout au long de l’année, la charge globale est plus importante qu’en système maraîcher classique. Une bonne organisation est donc primordiale.
Les compétences nécessaires représentent également une contrainte, qui rebute de nombreux maraîchers. En effet, l’arboriculture est un métier à part entière. Il est donc fortement conseillé de se former au préalable à la culture des fruitiers, afin de conduire au mieux la culture et que celle-ci soit rentable.
L’ombrage créé par les arbres sur les cultures maraîchères peut être un facteur limitant de la production. Il faut donc faire très attention à ce point lors de la conception du système. Cet ombrage est dépendant de la localisation du site, de l’orientation de la parcelle et des rangées d’arbres, de l’espace entre les rangées d’arbres et les cultures maraîchères, de la hauteur des espèces d’arbre choisies… L’implantation des arbres fruitiers ne doit pas nuire à la production maraîchère, ou du moins le moins possible, et ceci s’applique plus globalement à la compétition pour les ressources.
Le microclimat créé par le verger maraîcher est bénéfique pour les cultures dans une certaine mesure. Si la densité d’implantation est trop importante, l’air sera trop humide et la circulation d’air trop limitée. Ce microclimat est alors propice au développement de maladies qui pourraient toucher les cultures maraîchères mais aussi les arbres fruitiers. Il faut donc être vigilant à la densité d’implantation lors de la création du verger maraîcher.
Il existe également d’autres freins potentiels, comme l’achat de matériel spécifique, la contrainte de surface disponible ou encore l’investissement que représente l’achat des arbres.
L’exemple du verger-maraîcher de NeoFarm
Chez NeoFarm, nos cultures maraîchères de plein champ côtoient des arbres fruitiers de différentes espèces : pommiers, poiriers, abricotiers, pruniers, cerisiers, pêchers… mais également des « petits fruitiers » comme des framboisiers, groseilliers, de la vigne ou encore de la rhubarbe. Le choix de ces espèces et des variétés associées est adapté en fonction des localisations des fermes que nous installons.
Nous avons fait le choix d’implanter des rangées de fruitiers entre chacun de nos jardins de planches maraîchères, à une distance suffisante pour bénéficier de tous ses avantages mais tout en respectant un écart raisonnable afin d’éviter toute compétition.
Alors, convaincus par le verger-maraîcher ?
Références
- Association française d’agroforesterie, définition d’agroforesterie, 2022.
- Warlop F., Corroyer N., Denis A., Conseil M., Fourrié L., Duha G., Buchmann C., Lafon A., Servan G., 2017
Pour aller plus loin
- Coleman E., The new organic grower, 1988.
- Duha G., Bios du Gers, Retour d’expériences sur les vergers-maraîchers : une approche agronomique globale, 2018.
- Fortier J-M., Le jardinier maraîcher, 2012.
- Morel K., Viabilité des vergers-maraîchers, 2021.
- Paut R., Comment concevoir un verger-maraîcher ?, 2021.
- Selosse M-A., Microbiologie des sols et vergers-maraîchers, 2021.
- Sieffert A., Le verger-maraîcher, un exemple d’agroforesterie, 2021.
- Stalin E. & Levavasseur V., 2 Ha de maraîchage sur sol vivant en agroforesterie, 2020.